Végéta*ismes : limitations des études et biais possibles

Biais possibles et limitations des études de nutrition en général et des études sur les végétariens et les végétaliens en particulier

Effectifs étudiés

Il existe un nombre significatif d’études portant sur les végétariens, mais un nombre plus réduit d’études ayant étudié spécifiquement les végétaliens. Les effectifs étudiés sont par ailleurs beaucoup plus faibles pour les végétaliens. De ce fait, une première limitation concerne le nombre d’études et de personnes étudiées.

Les problème est particulièrement important pour les études sur les populations particulières (enfants, personnes âgées, personnes fragiles), les principales études portant sur des adultes en bonne santé au moment du début du suivi.

Durée des études

Une inquiétude portant sur ces régimes d’exclusion, principalement le végétalisme, c’est qu’ils induisent des carences à long terme. Dans l’idéal, il faudrait donc suivre les effectifs sur des durées très longues, de l’ordre d’une vie entière. Il existe des études jusqu’à un peu plus de 20 ans sur les végétariens, une quinzaine d’années sur les végétaliens. C’est sans doute trop court pour tirer des conclusions certaines sur toute la vie, d’autant que les effectifs étudiés sont généralement des adultes ayant adopté leur alimentation végéta*ienne à l’âge adulte, parfois quelques années seulement avant le début de l’étude, et du fait que les études les plus longues sur le végétarisme suggèrent que ses avantages à court terme pourraient être perdus sur les études les plus longues (plus de 14 ans, Dinu et al., 2017).

Risque d’échantillons non représentatifs

Hormis quelques essais randomisés portant sur des points spécifiques, les études sur les végétariens et végétaliens sont des études d’observation, avec les limitations inhérentes à ces études, plus le risque d’un « biais du survivant » spécifique aux alimentations d’exclusion, pour lesquelles le taux d’abandon est fort (seules les personnes pour lesquelles le régime convient bien le poursuivent, et quand les chercheurs recrutent pour une étude, ils recrutent principalement ces personnes). Le risque semble donc particulièrement important, en l’absence de randomisation, que les populations étudiées ne soient pas représentatives de la population générale.

Des associations ont pu appeler leurs sympathisants à adhérer à des études (comme la Fédération Végane pour Nutrinet) « les autorités ne savent pas que les végétariens et les végans sont en bonne santé [YouTube] ». Il existe un risque fort que des végétaliens en mauvaise santé (quelle qu’en soit la raison) s’abstiennent de participer à de telles études, pour ne pas donner une mauvaise image du végétalisme.

Dans l’idéal, il faudrait mener de vastes et longues études randomisées et contrôlées, mais, a minima, il serait intéressant d’en mener pour préciser des points spécifiques comme ce risque de biais du survivant.

risque de Biais de déclaration

La sous-déclaration est un biais connu des études de nutrition. Ce biais pourrait être particulièrement important dans le cadre des végéta*ismes, particulièrement pour le végétalisme, étant donné la difficulté de maintenir une telle alimentation de manière parfaitement stricte, et l’aspect souvent militant de la démarche.

Biais de confusion classiques

Les personnes s’orientant vers les végéta*ismes le font suite à une démarche consciente, et sont généralement beaucoup plus soucieuses de la qualité de leur alimentation, et plus généralement de leur santé, que la population générale. Un certain nombre de facteurs de confusion sont pris en compte dans les études (par exemple la consommation de tabac ou d’alcool), mais il est toujours difficile de tous les prendre en compte, et surtout de les évaluer précisément.

Une suggestion de conclusion non abusive

Sur les régimes végétariens : sous réserve que les résultats ne soient pas biaisés par l’un ou l’autre des éléments ci-dessus, on constate un effet positif à court terme, mais une annulation de cet effet pourrait se dessiner après une quinzaine d’années. Il serait en conséquence important de vérifier cette tendance et de poursuivre les observations sur une durée encore plus longue pour s’assurer qu’il n’y a pas une inversion de l’effet à très long terme, ce qui pourrait être une évolution logique d’une alimentation restrictive, si des carences modérées sont prolongées sur une longue durée. Il est important par ailleurs de renforcer le contrôle des déclarations des participants. Le fait qu’il existe aussi semble-t-il des disparités entre continents doit être précisé.

Biais d’échantillonnage

Étant donné qu’une part importante de végétariens et végans abandonnent assez rapidement leur régime pour redevenir omnivores, on peut craindre un fort biais du survivant (seules les personnes à qui cette alimentation convient bien sont prises en compte par les études, qui ne sont généralement pas randomisées).

Une étude allemande récente relève des durées d’adhésion à une alimentation végétalienne très courtes. Environ 88% sont végans depuis moins de 5 ans :

Vegan diet : motives, approach and duration. Initial results of a quantitative sociological study Pamela Kerschke-Risch Science & research, 2015
https://www.ernaehrungs-umschau.de/fileadmin/Ernaehrungs-Umschau/pdfs/pdf_2015/06_15/EU06_2015_WuF_Kerschke-Risch_eng.pdf?fbclid=IwAR0zfeYt3xAtXS47x-UegcIKeLmAQ2mMzCL15cgjSwmVsusKdrPD_Gh6-a0  

kerschke-risc 2015 abandon d'une alimentation végane

Une étude du Human Research Council rapportée par Psychology Today trouve un chiffre très proche de 84% d’abandons pour les régimes végétariens. 29% d’entre eux invoquant des raisons de santé, 43% la difficulté d’avoir une alimentation « pure ».

Biais de déclaration

On peut avoir des doutes aussi sur la réalité du régime déclaré, et les végans ne sont pas toujours évalués spécifiquement. Par exemple, dans cet article de la série EPIC, on apprend qu’on ne distingue pas végans et végétariens, et que 23% des « végétariens » consomment soit occasionnellement de la viande, soit éventuellement plus régulièrement du poisson.

The Oxford Vegetarian Study: an overview
Paul N Appleby, Margaret Thorogood, Jim I Mann, and Timothy JA Key, 1999
http://ajcn.nutrition.org/content/70/3/525s.full.pdf

Mortality in the Oxford Vegetarian Study was first studied after an average of 12 y of follow-up (10). Subjects were divided into meat eaters (who ate meat at least once a week) and non-meat-eaters (all others). Most of the non-meat-eaters were vegetarian or vegan, although 23% of the non-meat-eaters ate meat occasionally but less than once a week, or ate fish, or both.

Dans cette étude de 2018, on apprend c’est cette fois plus de la moitié des personnes se déclarant végétariennes qui consomment en réalité du poisson maigre et du poisson gras (on pense aussi à Novak Djokovic qui se déclarait végan en 2016 mais disait aussi consommer du poisson gras quotidiennement).

Vegetarian diets and depressive symptoms among men
JR Hibbeln, K Northstone, J Evans, J Golding – Journal of affective …, 2018 – Elsevier
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165032716323916

Vegetariens qui mangent du poisson et de la viande, Hibbeln, 2018

Dans cette étude de 1993, ce sont les 3/4 des personnes qui déclarent consommer moins de viande, qui en fait en consomment toujours autant :

Current Attitudes and Future Influence on Meat Consumption in the U.K.
Richardson et al.
Appetite, 1993https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0195666383710354

Over a quarter (28%) of the sample considered themselves to be reducing meat consumption although a comparison of present and retrospective meat consumption indicated that less than a quarter of this group had cut down on a variety of meats in their diets over the past year.

En 2002, un sondage Time/CNN mené par téléphone auprès de 10 000 américains a recensé 6% de personnes déclarées comme végétariennes. Ces personnes ont été rappelées une semaine plus tard avec une question différente, leur demandant de déclarer ce qu’ils avaient mangé dans les 24 heures précédentes. 60% des végétariens ont alors déclaré avoir mangé de la chair animale durant ces 24 heures.

Une étude scientifique trouvait à peu près les mêmes résultats en 2003, à savoir que seuls un tiers des jeunes se définissant comme végétariens ne mangeaient en réalité pas de chair animale :

What do vegetarians in the United States eat?
Ella h. Haddad, Jay S. Tanzmann.
The american journal of clinical nutrition, 2003
https://academic.oup.com/ajcn/article/78/3/626S/4690004

Also, only about one-third of self-defined vegetarians in the CSFII reported no meat, poultry, or fish on recall days.

Self defined vegetarians Addad 2003

Certaines études tentent de quantifier la consommation de produits animaux des végétaliens ou végétariens déclarés. Dans l’étude suivante, cette quantité est loin d’être négligeable, de l’ordre de 50g par jour de viande/poisson/oeufs + des produits laitiers , pour des personnes identifiées comme végétariennes :

Food Intake Patterns of Self-identified Vegetarians among the U.S. Population, 2007-2010
WenYen Juan et al.
Procedia food science, 2015
https://core.ac.uk/download/pdf/82713837.pdf

Compared to non-vegetarians, vegetarians consumed significantly fewer calories (1862 kcal vs. 2058 kcal; p<0.05) with the same number of food items (n=16) per day, and they consumed significantly less meat, poultry, solid fats and added sugars, and more soy, legumes, and whole grains than non-vegetarians. Both groups consumed about the same amounts of eggs, dairy, seafood, fruits, and vegetables. After energy adjustment, vegetarians consumed significantly more fruits, vegetables, whole grains, and total grains than non-vegetarians per 1000 kcal. Although a large proportion of self-identified vegetarians report consuming some type of animal products, such as meat, poultry and/or seafood, their dietary patterns contain more plant-based foods and whole grains with less solid fats and added sugars. Caution is needed in interpreting the term “vegetarian” from self-reports.

Self defined vegetarians Juan 2015

Dans cette étude récente de la cohorte Nutrinet, les végétariens déclarés consomment en moyenne 200g environ de produits animaux, et les végans déclarés près de 100g PAR JOUR.

Comparison of Sociodemographic and NutritionalCharacteristics between Self-Reported Vegetarians,Vegans, and Meat-Eaters from the NutriNet-Santé Study
Benjamin Allès et al.
Nutrients, 2017
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01592223/document

Self defined vegetarians Alles 2017 Nutrinet

Il est en réalité très difficile d’évaluer le nombre de véritables végans, possiblement nettement inférieur à celui des végans déclarés. Une autre étude suggère qu’ils n’étaient en 2005 que 0,1% de la population aux Etats-Unis, mais l’étude ne porte pas spécifiquement sur ce dénombrement.

Our findings indicate that strict vegetarians and vegans, who comprise probably less than 0.1% of the US population, have higher education, higher incomes, and healthier lifestyles than the general population.

Très souvent, les études sont sur de très petits échantillons, surtout pour les végétaliens. Cet aspect, ajouté au problème sus-cité du biais du survivant rend très difficile toute certitude sur les résultats obtenus et hasardeuse toute généralisation.

On trouve aussi parfois des extrapolations abusives. Ainsi, des études ayant montré un bénéfice à consommer plus de végétaux, ou plus de protéines végétales pour des personnes mangeant au départ beaucoup de viande, sont extrapolées à « ces études ont montré qu’il faut être végétarien ou végan ».
Une autre extrapolation abusive est sur la durée. Des études portant sur des personnes végétariennes ou végétaliennes depuis quelques années, ayant eu une alimentation omnivore une nette majorité de leur vie, sont extrapolées à « on peut être ou il est favorable d’être végétarien ou végétalien toute sa vie ».
Une autre extrapolation fréquente porte sur les dangers de la viande transformée ou de la viande rouge, souvent généralisés à l’ensemble de la viande, voire des produits animaux.

Autres biais possible : les végétariens consomment moins d’aliments raffinés, de junk food, sont plus attentifs à leur santé en général, sont d’un niveau social plus élevé, et ont un QI plus élevé à l’origine. Tous éléments généralement corrélés à une meilleure santé, une moindre mortalité, une meilleure espérance de vie. « Effet cigogne » possible.

Higher Cognitive Performance Is Prospectively Associated with Healthy Dietary Choices: The Maine Syracuse Longitudinal Study.
G.E. Crichton et al.
The Journal  of Prevention of Alzheimer’s Disease, mars 2015.
https://digitalcommons.library.umaine.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://www.google.com/&httpsredir=1&article=1029&context=longitudinal_papers Higher WAIS Scores at baseline were prospectively associated with higher intakesof vegetables, meats, nuts and legumes, and fish, but inversely associated with consumption of total grains and carbonated soft drinks.  

Cet article souligne la faiblesse générale des associations en épidémiologie de la nutrition.

Research gaps in evaluating the relationship of meat and health.
DM Klurfeld
Meat science, 2015
https://twitter.com/fleroy1974/status/1094949708991221760 The observational studies are heterogeneous and do not fulfill many of the points proposed by AB Hill in 1965 for inferring causality; his most important factor was strength of the association which in dietary studies is usually <1.5 but is not considered adequate in virtually all other areas of epidemiology outside nutrition. Accepting small, statistically significant risks as « real » from observational associations, the field of nutrition has a long list of failures including beta-carotene and lung cancer, low-fat diets and breast cancer or heart disease that have not been confirmed in randomized trials.

Des études sont parfois citées par des sites végétariens, présentées explicitement comme favorables au végétarisme, ou parmi des études favorables au végétarisme, alors qu’elles ne parlent pas de cela. L’étude de Harvard sur 130 000 professionnels de santé est souvent citée à l’appui de l’argumentaire végétarien. Pourtant, elle ne parle pas de cela. Elle conclut seulement que remplacer des protéines animales par des protéines végétales à hauteur de 3% de l’apport calorique a un effet bénéfique, et les personnes consommant le moins de viande on moins de risques seulement chez les personnes ayant des facteurs de risque par ailleurs. L’étude insiste aussi sur la qualité des sources animales, différenciant clairement viande transformée, viande rouge, viandes blanches et poisson.   Association of animal and plant protein intake with all-cause and cause-specific mortality
Mingyang Song et al.
JAMA internal medecine, 2016
https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2540540   –

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